MALAISE DANS LES FORCES DE L'ORDRE, TÉMOIGNAGE SUR MEDIAPART

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Extraits de l'interview d'un gendarme anonyme paru dans un article de médiapart. Il fait le lien entre le malaise qui se développe chez les forces de l'ordre et les dissensions internes qui y ont cours par rapport aux gilets jaunes et à la répression qui leur est demandée de faire.

4/ On parle d’un malaise dans les forces de l’ordre. De quoi s’agit-il et est-ce que ça pourrait entrer dans ce qui motive les GJ?  Il y a eu des vagues de suicides dans la police et la gendarmerie. Comment réagit-on, dans la troupe comme dans le commandement? On parle souvent de « déséquilibrés » et de « problèmes personnels ». Est-ce à votre avis en relation avec ce qui se passe dans le pays?

« Cela peut bien sûr avoir un lien avec le mouvement des gilets jaunes. Ils réclament plus de justice dans plusieurs domaines, plus de démocratie avec leur « mot à dire » plus souvent, plus d’égalité dans la répartition de richesse ou dans le traitement des personnes dans la vie judiciaire, sociale, économique. Aujourd’hui, je suis bien obligé de constater qu’un dossier concernant un officier, un préfet, un élu mis en cause ne sera pas traité avec les même égards qu’un ouvrier, un employé. Les enquêtes seront bâclées voire pas faite du tout.  Les officiers et commissaires sont aux ordres des politiques et cela pose donc un problème d’indépendance quand le moment vient d’enquêter sur un député par exemple. Ou aussi quand la police ou la gendarmerie enquête sur elle-même (IGGN ou IGPN). Elle ne saurait être juge et partie à la fois, il y a un conflit d’intérêt.

Les gardes à vue illégales sur les GJ, les interdictions préventives de manifester, les GJ refoulées aux gares, tout cela est le fait de politiques qui répercutent directement sur les hiérarchies des forces de l’ordre. Tout cela est sans contrôle. Le système français est archaïque et dans l’armée, nous avons des décennies de retard. Toutes les incohérences du terrain sont connues. Si nous écoutions la base je le répète, nous aurions l’impression d’être valorisé (nous les militaires) et la sécurité s’en trouverait être de meilleur qualité. »

5/ Parlons de la situation actuelle marquée par le mouvement des GJ. Est-ce qu’on en parle dans la gendarmerie? Comment vit-on le terrain? Tous sont-ils identiques (gendarmes, CRS, BAC, etc…)

« Les réactions sont très variées sur le sujet. Il y a beaucoup de rejet (« on les attend les GJ », « ils nous emmerdent ») car les esprits sont formatés. La prise de conscience sera très dure chez nous pour comprendre que les GJ sont le peuple et qu’ils se battent aussi pour nous. Il y en a qui s’en rende compte mais l’embrigadement, la peur prédomine. Je connais moins bien la police mais en gendarmerie ceux qui pratiquent le maintien de l’ordre sont les gendarmes mobiles. Ils sont composés à 80 % de jeunes gens entre 20 et 30 ans sortis d’école et avec l’esprit très malléable, c’est bien sûr fait exprès. En brigade territoriale, la conscience est plus élevée, mais restent la pression et la peur. »

6/ Des bruits font état de demande faite à la gendarmerie de tirer sur la foule si nécessaire. Est-ce que ça vous semble plausible? En avez vous entendu parler? Si oui, pouvez vous donner des précisions?

S’il s’agit de tirer à balle réelles, je ne sais pas. Plausible ? Si nos dirigeants sentent que la situation leur échappe, je pense que c’est un scénario envisageable. Ils montent doucement mais surement dans la graduation de la réponse. Ils essayent de garder l’opinion publique avec eux en matraquant d’images de destructions ou dégradations de biens.

Je n’en ai pas entendu parler. Je pense forcément qu’individuellement, hormis un cas de légitime défense, chacun aurait une décision à prendre. Je pense que les forces de l’ordre rallieraient le peuple, mais ça n’engage que moi.

8/ Gendarme et GJ, c’est possible?

Publiquement, la réponse est non. Je suis GJ. Un gendarme n’a pas la possibilité d’exprimer ses opinions religieuses, partisanes, politiques ou d’associations publiquement. Dans mon cas si je le faisais, cela leur donnerait un motif de plus pour me mettre aux bancs des accusés (devoir de réserve que monsieur LANGLOIS remet en cause d’ailleurs, car il dit qu’il n’a pas de fondement légal contrairement au secret professionnel. Lui est policier et nous militaires, je ne sais pas si cela fait une différence) et engager d’autres mesures contre moi (disciplinaires par exemple). Dans le secret, il y en a quand même. Je participe à des assemblées constituantes depuis quelques semaines avec des GJ. Je leur ai dit qu’un changement du système, oui, mais un changement du système militaire/policier est très important pour l’après, s’il y en a un.

https://blogs.mediapart.fr/jean-marc-b/blog/160419/je-suis-gendarme-et-j-ai-decide-de-parler

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