Mobilisations
« La révolution n’est pas épuisante, elle est exigeante ». Un ami disait cela des fins de mouvements qui laissaient les corps et les désirs abattus, désœuvrés, abandonnés à ce que des semaines, parfois des mois ou des années d’intensité politique pouvaient produire dans la défaite comme sentiment d’impuissance. Le retour brutal à la réalité, avec son cortège de renoncements, d’embrouilles, de trahisons, de vœux pieux.
Ce sentiment si désagréable, nous sommes nombreux aujourd’hui à l’éprouver sans pour autant y voir une fatalité car ce printemps aura marqué un tournant majeur dans le temps politique qui se présente à nous. Macron a réussi à porter atteinte à ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’avait su provoquer. Il s’est attaqué frontalement à ce qui donnait encore un peu de chaire à l’idée de gagner ensemble malgré nos différentes inclinaisons. L’alliance, la convergence ou le rassemblement (appelons-le comme on voudra) des manières singulières de se soulever contre l’état du monde.
Derrière la triple attaque simultanée qui devait anéantir le statut des cheminots et son héritage historique, la possibilité même de construire un mouvement de jeunesse, et l’espoir de voir perdurer un territoire sans État dans la banlieue nantaise, Macron a mis à l’épreuve notre capacité à donner corps et consistance aux nombreuses rencontres produites par le souffle réparateur du mouvement contre la loi travail et des Zad.
Chacun s’est retrouvé devant ses propres faiblesses relativement isolé et incapable de déjouer le cadre symétrique qui lui était donné d’affronter. Les cheminots se sont lancés dans une grève longue, déterminée mais perlée, cadrée strictement par les directions syndicales, qui s’est révélée jusqu’ici incapable d’entraîner un soutien large dans son sillon.
Les étudiants ont cherché avec beaucoup d’inventivité à occuper leurs universités au détriment des prises de rues qui deux ans plus tôt avait bouleversé l’équilibre ronronnant des forces politiques et redessiné un chemin praticable.
La ZAD et ses soutiens, malgré une résistance acharnée, n’a pas réussi à sauver tout ce quelle comptait d’habitats face la plus grosse opération de maintien de l’ordre depuis bien des années (…).
Quant à tous ceux qui se battent avec acharnement contre la politique anti-migrants, ils se trouvent isolés et malmenés face à la barbarie que l’Europe est en train de produire. A l’échelle locale comme nationale, les autorité fermes les yeux quand elles n’alimentent pas directement le climat de haine qui se répand contre les exilés.
Et tout ça sous l’arsenal des GLIF4, LBD 40, des gaz lacrymogène et des matraques, des drones, blindés et des hélicoptères, des conseils de discipline, des licenciements, des perquisitions, des arrestations, des juges et des condamnations : à marche forcée vers une folle et dangereuse fuite en avant du pouvoir.
Pourtant, dans ce sombre tableau, quelque chose survit.
Bien que certains la considèrent morte, la zad est bien loin d’avoir donné son dernier souffle. (…) Le « monde du travail » lui voit surgir chaque jour des mouvements de grève que des équipes syndicales tentent de sortir de leur isolement. Postiers, hospitaliers, gaziers, métallurgistes, plusieurs secteurs ont trouvé le souffle pour mener des grèves dures - dont certaines sur des revendications offensives -, pour se rencontrer et parfois obtenir de vraies victoires. (…)
La jeunesse enfin, dont on peut dire qu’elle a largement politisé le paysage ces dernières années cherche un langage pour ne pas sombrer dans le chaos de son époque et pour ne pas s’abandonner au nihilisme qu’il engendre. Sur les murs des villes s’exprime la poésie contemporaine, et les mots sont chargé du désir de réinventer le présent.

Il reste sur tous ces plans, et sur bien d’autres encore qu’il conviendrait de mentionner, des raisons de croire que tout peut encore s’inverser.
- Extraits de"Retrouver du souffle" : http://legueuloir.over-blog.com/2018/08/retrouver-du-souffle.html
L'année s'est terminée, les facs, les hôpitaux et les gares en ébullition. À nous de maintenir la haute température, à nous d'organiser une rentrée en grande pompe.
Si cette année, les batailles contre les réformes du service public, contre la sélection, contre la réforme de la SNCF, contre toujours plus de privatisation ont été perdues par celles et ceux qui luttent, la guerre contre Macron, elle, ne fait que commencer. Elle a déjà en elle quelques victoires.
La violence avec laquelle procède ce gouvernement ne nous résigne pas, elle nous rend au contraire plus déterminé.e.s que jamais. Cette motivation est une victoire. Le gaz lacrymogène envoyé en masse sur les manifestations n'a pas fait que nous piquer les yeux, il en a ouvert un certain nombre sur la violence dont est capable l'Etat pour empêcher la contestation sociale.
Cette ouverture est une victoire. Les camarades, cette année, mutilé.e.s, assassiné.e.s par la police, à Paris, Lille, Nantes, de la ZAD aux manifestations, n'arrêteront pas notre désir de changement, les violences dont font preuve la police d'État ne nous font pas peur, ne nous démoralisent pas mais nous galvanise, nous plonge dans une colère noire.
Cette détermination est encore une victoire. La répression judiciaire et salariale subie par les grévistes et les manifestant.e.s a créé des liens, une solidarité, qui sera difficile à détruire. Ces liens sont une victoire. La fermeture du squat autonome des 18 ponts, ne nous empêchera pas de nous retrouver, de nous organiser. Les occupations nous ont rapproché.e.s, nous ont fait vivre des expériences communes. Ces moments sont aussi des victoires.
Le feuilleton de l'affaire Benalla a fait comprendre à une partie de la population, la dangerosité de ce gouvernement. Il a réveillé une foule anonyme de conscience qui n'hésitera pas à se lever, dès demain et à rejoindre les foules compactes des manifestations futures. Cet éveil est une victoire. L'arrogance de Macron, son mépris, ne nous fait pas rire. Il nous pousse à allez le chercher. La période estivale a, une nouvelle fois, été un moment de pause pour bien des luttes. Faisons de cette pause un repos nécessaire pour une année à venir haute en couleurs.
Nous ne reviendrons pas plus en détail sur l'année qui vient de s'écouler, malgré ces défaites et ces victoires. Préférons nous concentrer sur ce qui est à faire. Tout est à faire.
L'année passée s'est terminée, les facs, les hôpitaux et les gares en ébullition.
À nous de maintenir la haute température, à nous d'organiser une rentrée en grande pompe. À nous de multiplier les actions dans les secteurs en luttes. À nous de réouvrir des lieux, afin de faire abstraction des cadres légaux.
À nous de maintenir les liens que le printemps 2018 a tissé, et d'en créer de nouveaux avec les retraité.e.s, les travailleur.se.s, les lycéen.ne.s, les quartiers, les facultés, etc.
À nous d'expliquer, dès la pré-rentrée, l'état critique de nos universités aux nouveaux.elles arrivant.e.s. À nous de raconter à quel point la présidence de l'université de Lille ne fait rien pour que les choses s'arrangent, d'expliquer les raisons qui nous poussent à l'amener à une démission prématurée.
Reprenons le chemin des occupations, des assemblées générales, des blocages, de la rue. Cette année, ouvrons ensemble – et au pied de biche s'il le faut – les portes du possible.

"Toutes les raisons de faire une révolution sont là. Il n'en manque aucune. Le naufrage de la politique, l'arrogance des puissants, le règne du faux, la vulgarité des riches, les cataclysmes de l'industrie, la misère galopante, l'exploitation nue, l'apocalypse écologique - rien ne nous est épargné."
Maintenant - Comité invisible
Source : Lille Insurgée