Facs

Si nous nous mobilisons actuellement contre la loi Vidal et la réforme ORE, c’est pour défendre activement le droit d’étudier, mais aussi celui de réfléchir, d’expérimenter et de s’épanouir. Le plan étudiant va amener une refonte complète de l’enseignement supérieur, en renforçant l’élitisme déjà présent dans le système méritocratique actuel.
En effet, le système d’enseignement est déjà un foyer reproducteur d’inégalités sociales : le manque de moyens, de temps et de liberté accordés aux enseignant·e·s (du primaire au supérieur), ne permet pas l’élaboration d’un enseignement de qualité qui favoriserait l’épanouissement des élèves, et conduit inévitablement à l’exclusion d’une partie d’entre eux. Cette exclusion n’a rien de naturel, d’autres systèmes d’éducation sont tout à fait possibles, de nombreuses expériences l’attestent (le système éducatif finlandais, université de Vincennes, université populaire de Caen, etc). L’argumentaire que sort le gouvernement pour justifier sa réforme repose donc sur un présupposé qui est faux : la sélection n’est ni normale ni nécessaire, elle est seulement le fruit d’une idéologie. Le système de sélection défendu constitue, en effet, le paroxysme de la pensée méritocratique qui prône la concurrence entre les élèves.
Cette dernière génère un climat nocif au bien-être des étudiant·e·s, occasionnant du stress et favorisant la pratique de la triche et des coups bas, par une apologie de la réussite. Cette réalité est déjà expérimentée par un certain nombre d’étudiant·e·s (IUT, classe préparatoire, médecine…), qui aujourd’hui critiquent la légitimité de ce système, jugé inégalitaire et injuste. Celui-ci ne trie pas les étudiant.e.s en fonction de leur intelligence, ou de leur motivation, mais uniquement en fonction de leurs capitaux, ceux et celles qui réussissent sont les étudiant·e·s qui disposent des moyens sociaux et financiers de le faire ! Plutôt que de mettre en place une sélection assumée renforçant cette ségrégation sociale, il aurait fallu corriger le système actuel pour le conduire vers davantage de démocratisation et d’ouverture culturelle.
En outre, le système d’évaluation mis en place est incapable de mesurer la réelle intelligence d’un·e élève. Les examens au lycée se résument souvent à récompenser un bête apprentissage par coeur des cours, ce qui ne constitue aucunement un signe d’intelligence. Dans ces conditions, la méritocratie défendue par Macron ne possède aucune légitimité, de même que cette réforme qu’il souhaite mettre en place et qui prône la sélection sur dossier. Trier les lycéen·ne·s en fonction des notes qu’ils ou elles ont engrangé tout le long de leur parcours scolaire, est une véritable aberration ! Surtout lorsqu’on sait que l’enseignement à l’université est très différent de celui qui est dispensé au lycée : être mauvais·e au lycée ne signifie pas qu’on le sera aussi à la fac. Les méthodes et les savoirs enseignés sont différents.
En dépit de ses nombreux travers, l’université continue de défendre l’enseignement d’un savoir intellectuel critique qui permet une relecture différente de l’histoire et de la société (c’est d’autant plus vrai pour les filières de SHS qui sont pourtant considérées comme des filières inutiles). Hélas, la refonte de l’enseignement supérieur qu’ont dessiné les gouvernements successifs, à travers les différentes réformes qu’ils ont défendu (CPE, LRU, Loi Vidal), ont progressivement remis en question cette vocation critique de l’enseignement supérieur, en même temps qu’elles remettaient en cause son aspect démocratique. En 2007, la loi LRU a mis à mal l’autonomie des enseignant·e·s chercheur·e·s et aujourd’hui c’est l’autonomie des étudiant·e·s qui est remise en question !
La sélection sur dossier via Parcoursup, ainsi que la restructuration du système scolaire autour du « contrat pédagogique » et la mise en place du système d’UE à la carte vont renforcer la sélection au sein même du système universitaire. Cette réforme va réduire les possibilités pour les étudiant·e·s de se rattraper en cas d’échec. Remise en question de la réorientation, du rattrapage et du système de compensation, c’est le modèle de la fac-entreprise qui nous guette ! Plus de droit à l’erreur, plus de seconde chance, il faudra être capable de se vendre pour avoir un diplôme. Nous ne serons plus que des marchandises sur le marché de l’emploi !
Cette réforme porte atteinte aux libertés des étudiant·e·s ! Elle remet non seulement en question le droit fondamental à l’éducation en mettant fin au droit d’accès des bachelier·e·s à l’université, mais empêche également les étudiant·e·s de s’orienter librement dans leur parcours scolaire. Contre le modèle de la sélection prôné par Macron, nous revendiquons le droit à l’erreur, ainsi que le droit à l’expérimentation, dont la pratique est au coeur de tous les savoirs scientifiques enseignés en faculté ! L’université doit permettre la professionnalisation, mais elle doit également pouvoir susciter des vocations. Les étudiant·e·s doivent pouvoir expérimenter, se tromper, se reprendre, se réorienter, afin de pouvoir se découvrir une raison d’exister et trouver leur place au sein de la société.
La loi Vidal et le plan ORE marquent un nouveau tournant dans le processus élitiste qui défigure notre système éducatif. Nous nous positionnons résolument contre cette sélection assumée et contre toutes les formes de tri social. L’université doit être un lieu d’expérimentation libre, ouvert et accessible à tous. Pour le droit d’étudier librement, refusons la réforme du gouvernement !
À bas les facs et les lycées entreprises !
Les gueulard·e·s ■
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Dans la rue contre la sélection et son monde !
"Aujourd’hui, en France, chaque bachelier a une place à l’université - quels que soient ses résultats scolaires. Chaque lycéen bachelier peut accéder à la filière de son choix, au-delà de toute considération sociale ou économique. Cela est la règle, mais les faits sont autres. Le nombre d’étudiants augmente chaque année - choc démographique des années 2000 - et la plupart des facs sont très largement surchargées, et de plus en plus de filières sont dites « en tension », c’est-à-dire que le nombre de voeux est supérieur au nombre de places. Cette situation mène à une mise en concurrence des lycéens et des étudiants pour accéder à la filière souhaitée ou pour y rester. Depuis trop longtemps les prémisses d’une sélection insidieuse sont donc déjà bien là. Or, Macron franchi maintenant un nouveau cap, considérable. Ce dernier veut, dès la rentrée prochaine, remplacer APB par un système de sélection réelle et assumée. Cela veut dire que, dès juin prochain, tous les bacheliers n’auront plus de place assurée à l’université. Dès juin prochain, les lycéens seront officiellement mis en concurrence et sélectionnés ou pas dans les filières demandées en fonction de leurs résultats scolaires, les facs auront accès aux bulletins et à l'avis unique de chaque prof. Le but étant de décharger les facs en envoyant plus de lycéens vers des filières technologiques ou professionnelles après le bac. Que vont donc devenir ceux qui n’auront pas été sélectionnés ?
Si tout le monde comprend ce que signifie sélection, il faut comprendre ce qu’elle induit - ou plutôt ce qu’elle ignore. Si le tirage au sort était arbitraire, la sélection entend être la solution en camouflant les réalités du système scolaire français dont elle est l’incarnation. L’incarnation d’un système méritocratique qui, par la mise en concurrence des élèves, efface les possibles solidarités entre ceux-ci. Autrement dit, un système qui ne réfléchit pas à ses faiblesses - qu’elles résident dans un certain déterminisme social, ou une reproduction des inégalités en milieu scolaire - et trouve comme issue pour sa survie de donner une valeur supplémentaire aux élèves. La sélection n’est que l’incarnation d’un système en fin de vie, essoufflé et essayant de recycler les mêmes réformes depuis 50 ans afin de se donner une consistance, de survivre. Audelà de la sélection, c’est donc la survie et la signification de tout un système scolaire qui est ici remise en cause. À nous d’affirmer le système scolaire que nous voulons - ou plutôt de s’opposer à la poursuite de la libéralisation de l’école, et de l’affirmation de l’école et de la fac comme lieu de compétition capitaliste et de hiérarchisation sans questionnement social ni humain.
Depuis plus de 50 ans les gouvernements successifs veulent instaurer cette sélection, et ont toujours échoué face aux contestations massives. Alors, pourquoi réessayer aujourd’hui ? Macron profite de la faillite programmée d’APB pour justifier une mesure qui jamais ne serait acceptée en d’autres temps. Depuis près de quinze ans, tout le monde est au courant du choc démographique des années 2000 (environ 40.000 nouveaux bacheliers chaque année), or jamais les moyens ni les places des facs n'ont réellement été augmentés. Il est donc prévu depuis un moment que tout le monde n’aura pas sa place à l’université, et ce seraient les générations 2000 qui s’en feraient les cobayes. Ainsi, si la « crise d’APB » était prévue - et n’a pas été devancée - c’est bien pour justifier la sélection en espérant peu d’opposition. Ici la solution n’est surtout pas dans le tirage au sort ou la sélection, mais bien dans les moyens que l’on décide d’allouer aux universités. Au-delà du retrait de la loi Vidal, nous réclamons donc que chaque bachelier puisse accéder à la licence de son choix dans la fac de son choix - soit simplement libre d'étudier comme il le veut et non comme il le peut, selon des critères élitistes et socialement injustes. Et, puisque la sélection ne suffit pas, Macron enchaîne une série de réformes contre la jeunesse - réforme complète de l’enseignement supérieur, baisse des APL et mise en plaise d’un service militaire obligatoire dès 2019 pour les 18 à 21 ans. Il est donc de notre devoir de manifester contre ces réformes régressives et rétrogrades qui furent toujours abandonnées ou abolies, mais surtout de proposer une autre diagonale par laquelle la jeunesse peut échapper à cet avenir pré-sélectionné.
Nous appelons ainsi toutes les franges de la jeunesse, des lycéen.ne.s aux étudiant.e.s à faire
grève et bloquer leur établissement afin de libérer du temps, mais surtout de faire pression en
bloquant le lieu central de la conflictualité (le lycée, la fac) entre les élèves et le gouvernement
quant à la sélection - et ainsi renverser le rapport de force.
Comité d’action inter-lycéens, FrontSocial,
Mouvement Inter Luttes Indépendant.
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lundi 7 mai 2018
La Coordination nationale des universités, réunie à Paris le samedi 5 mai 2018, a rassemblé des représentant.e.s de 38 établissements de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Cette généralisation des interventions policières sur les campus constitue une grave remise en cause des franchises universitaires qui manifeste la volonté de l’État d’imposer par la force sa politique d’exclusion et de ségrégation sociale à la jeunesse.
Outre l’impossibilité technique et humaine de l’appliquer, la loi « Orientation et Réussite des Étudiants » (loi dite ORE), imposée autoritairement à la communauté universitaire, est la seule réponse du gouvernement face à un déficit structurel d’investissement. En effet, le nombre de postes de titulaires est en baisse, tandis que celui de contractuel.le.s a triplé ces dix dernières années. Sur la même période, la dépense moyenne par étudiant.e à l’Université n’a cessé de diminuer et si l’on ne change rien, elle ne cessera de diminuer compte tenu de l’augmentation démographique (100 000 étudiants en plus d’ici 2020).
La loi ORE constitue une nouvelle attaque contre le service public de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (ESR). Elle a légitimement suscité chez les lycéen.ne.s, les étudiant.e.s et les personnels, un rejet des principes sélectifs qui la guident, des inégalités accrues entre les établissements et les territoires auxquelles elle conduira et des modalités de sa mise en œuvre.
Nous ne protestons pas simplement contre un dispositif de candidatures à l’inscription à l’Université, mais contre une série de réformes qui font système et vont transformer profondément l’Université comme service public et bien commun : réformes du lycée, du baccalauréat et de la licence, remise en cause des statuts des personnels, privatisation de la formation professionnelle et de l’orientation, menaces sur le cadrage national des diplômes et sur le montant des frais d’inscription à l’Université.
La CNU demande :
l’arrêt immédiat des interventions des forces de police sur les campus ; le respect par les présidents d’université des franchises universitaires et la fin du recours à des sociétés privées de sécurité ; la démission des président.e.s d’université qui ont participé à la répression policière du mouvement ;
le retrait de la loi ORE, l’abandon des dispositifs du type “Parcoursup” et l’abandon du projet de refonte de l’arrêté licence ;
La CNU appelle à la grève illimitée jusqu’au retrait de la loi ORE, à l’arrêt de la répression policière dans les universités et à la mise en œuvre d’un plan d’urgence pour la rentrée 2018.
après le retrait de la loi, l’ouverture de négociations ainsi que la prise en compte des revendications des personnels et étudiant·e·s pour que le service public d’ESR réponde aux besoins de la jeunesse ;
le maintien du baccalauréat comme diplôme national et premier grade universitaire garantissant à tout.e bachelier.e le droit de s’inscrire dans la formation et l’établissement de son choix ;
l’élaboration d’un plan d’urgence pour l’Université avec une augmentation des dotations budgétaires et du nombre de postes de titulaires d’enseignant.e.s-chercheur.e.s et de Biatss, condition nécessaire pour l’ouverture de places supplémentaires en 1er cycle ; ce plan d’urgence sera financé par la réaffectation aux universités des sommes dédiées au CIR et des crédits annoncés pour le service national universel ; il permettra, en outre, l’alignement des dépenses par étudiant.e sur celles dont bénéficient les élèves en classe préparatoire aux grandes écoles ;
la titularisation de tous les contractuel.le.s et vacataires sur mission permanente ;
la défense et l’amélioration du statut des personnels de la fonction publique d’Etat.
Considérant que le rôle de l’Université est aujourd’hui gravement atteint par sa paupérisation croissante, par la remise en cause du libre accès à l’enseignement supérieur, par le tri social et les inégalités territoriales ainsi que par l’attaque systématique contre la Fonction publique et ses missions, la CNU appelle à :
la grève illimitée et reconductible, avec cessation réelle d’activité ;
la non tenue des examens et la rétention des notes ;
accroître les mobilisations contre les réformes en cours en participant massivement aux
AG, aux manifestations et autres initiatives locales ou nationales ;
soutenir les personnels qui refusent de mettre en oeuvre Parcoursup sous toutes ses
formes (commissions, classement, algorithme...) ;
débattre collectivement et prendre toute mesure utile pour que la question des examens
ne soit pas instrumentalisée et ne pénalise aucune étudiant.e : report, rétention des notes, validation universelle, opposition à toute forme de délocalisation des examens ; la CNU rappelle que les jurys d’examen sont souverains ;
déposer des recours juridiques contre l’ensemble des irrégularités commises au sein des université ;
organiser dans chaque université une cérémonie de création d’une nouvelle université (pose de la première pierre) qui aura pour vocation d’accueillir les 100 000 bachelier.e.s qui seront refusé.e.s dans le supérieur à la prochaine rentrée ;
construire la convergence des luttes en prenant contact avec les autres secteurs professionnels mobilisés, en participant aux mouvements des 14 et 15 mai notamment.
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RETROUVEZ PLUS D'INFOS ICI !
- Sur la réforme et la situation dans les universités :
http://legueuloir.over-blog.com/tag/facs/
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